« Justice par force » n’est pas un cri d’équité. C’est un mot d’ordre dangereux, un slogan qui cherche à imposer une vérité unique, par la contrainte, là où la justice exige neutralité, sérénité, indépendance. Derrière cette formule, une fracture : les uns, érigés en « patriotes » légitimes, les autres en citoyens de seconde zone. Du fait de l’esprit qu’elle charrie, elle trahit par conséquent l’idée même de justice.
Si manifester pour que justice soit rendue est un droit légitime, exiger une « justice par force » ouvre par contre la porte à l’autoritarisme. Une justice véritable ne saurait en effet être aux ordres car elle n’obéit ni aux passions de la rue ni aux calculs des politiques, encore moins aux injonctions. Elle ne vit au contraire que du respect des règles, fidèle en cela au symbole d’équilibre qu’incarne la balance, à savoir peser, soupeser, sans jamais pencher ni d’un côté ni de l’autre.
Pour sûr, les slogans guerriers flattent les émotions mais masquent l’impuissance et l’incapacité à affronter le réel pour le transformer. Il en est ainsi de « France dégage » hier, « Justice par force » aujourd’hui. Comme les tonneaux vides, ils font beaucoup de bruit mais ne pèsent rien, relevant davantage d’une stratégie d’agitation que d’un projet de société. Ils servent en fait à galvaniser les foules, non à bâtir une nation.
Aussi, derrière la clameur de « Justice par force », s’érige une défiance à peine voilée envers les institutions, comme si elles étaient incapables d’agir par elles-mêmes. Or affaiblir la justice, c’est scier la branche sur laquelle repose toute vie démocratique, c’est substituer l’arbitraire à la règle de droit.
Jetons alors un coup d’œil du côté des États-Unis où Donald Trump, président élu, tenté par l’autoritarisme, se heurte à la justice pour nous convaincre qu’elle demeure le dernier rempart face aux dérives d’un ego sans limites.
A l’évidence, une démocratie n’existe que si la justice tient debout, non point instrumentalisée, fragile ou soumise, mais plutôt forte, indépendante, respectée. Sans elle, il n’est point de République digne de ce nom. C’est dire que, « Justice par force », le slogan scandé à tue-tête par Guy Marius Sagna samedi dernier préfigure d’une dangereuse dérive qui ne peut mener qu’à une impasse.
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