Comment expliquer qu’une population accepte de bon gré l’un des taux d’imposition les plus élevés d’Europe ? C’est la question à laquelle Sami Koskinen, Director for Stakeholder Relations de l’administration fiscale finlandaise, a répondu lors d’une conférence organisée le 4 juin dernier à Helsinki devant des journalistes africains.
La particularité du modèle finlandais repose sur une culture fiscale profondément ancrée dans la société, fruit d’un travail de fond mené depuis plusieurs décennies. « La confiance est essentielle, dans les deux sens », a souligné M. Koskinen, mettant en lumière l’un des piliers de cette réussite.
Une stratégie de communication multicanale
L’adhésion des Finlandais au système fiscal n’est pas le fruit du hasard. Elle résulte d’une stratégie de communication élaborée qui combine approches médiatiques, présence sur les réseaux sociaux et actions hors médias.
L’administration fiscale finlandaise déploie des campagnes régulières dans les médias traditionnels pour expliquer les mécanismes fiscaux et l’utilisation des fonds publics. Sur les réseaux sociaux, elle maintient une présence active avec un ton accessible et pédagogique, répondant aux questions des contribuables et clarifiant les points complexes de la législation.
Les actions hors médias incluent des interventions dans les établissements scolaires, des séminaires pour les entrepreneurs et des événements publics où les citoyens peuvent dialoguer directement avec les représentants de l’administration fiscale.
« Notre objectif n’est pas seulement d’informer, mais de créer un véritable dialogue avec les contribuables », a expliqué Sami Koskinen. Cette approche participative renforce le sentiment d’appartenance à une communauté où chacun contribue au bien commun.
Les valeurs fondamentales : confiance, intégrité, réciprocité
La stratégie de communication s’articule autour de trois valeurs fondamentales qui structurent la relation entre l’administration fiscale et les citoyens.
La confiance mutuelle constitue la pierre angulaire du système. L’administration part du principe que les contribuables sont honnêtes, ce qui se traduit par des procédures simplifiées et une présomption de bonne foi. En retour, les citoyens font confiance à l’administration pour gérer efficacement les ressources publiques.
L’intégrité se manifeste par une transparence totale sur l’utilisation des fonds publics. Chaque année, des rapports détaillés sont publiés et largement diffusés, permettant aux citoyens de suivre précisément l’allocation des ressources fiscales.
La réciprocité, enfin, est un concept central dans la communication de l’administration fiscale finlandaise. Les impôts sont présentés non comme une charge, mais comme un investissement collectif qui génère un retour sous forme de services publics de qualité.
« Les Finlandais perçoivent clairement le retour sur investissement de leurs impôts à travers des services publics de qualité, notamment dans les domaines de la sécurité sociale, des retraites, de la santé et de l’éducation », a précisé M. Koskinen.
L’éducation à la culture fiscale dès le plus jeune âge
L’un des aspects les plus novateurs de l’approche finlandaise réside dans l’éducation à la culture fiscale, intégrée au système éducatif dès l’école primaire.
Des programmes pédagogiques adaptés à chaque niveau scolaire permettent aux enfants et adolescents de comprendre progressivement les mécanismes fiscaux, leur utilité sociale et leur fonctionnement. Des jeux de rôle, des simulations et des ateliers pratiques rendent ces notions accessibles et concrètes.
Pour les adultes, des formations continues sont proposées, particulièrement lors des moments clés de la vie professionnelle : premier emploi, création d’entreprise, changement de statut professionnel ou préparation à la retraite.
Cette éducation fiscale s’accompagne d’une simplification constante des démarches administratives. « Plus le système est simple et compréhensible, plus les gens sont enclins à s’y conformer volontairement », a observé Sami Koskinen.
Des résultats probants
Les résultats de cette politique sont éloquents : 70% des Finlandais se déclarent satisfaits de payer leurs impôts, un chiffre qui laisse rêveurs de nombreux responsables fiscaux à travers le monde.
Cette adhésion se traduit par un taux de conformité fiscale volontaire parmi les plus élevés au monde et un écart fiscal (différence entre les impôts théoriquement dus et ceux effectivement collectés) particulièrement faible.
Les journalistes africains présents à la conférence ont particulièrement interrogé Sami Koskinen sur les possibilités de transfert de ces méthodes dans des contextes dans lesquels la confiance envers les institutions publiques est parfois érodée.
« La confiance se construit progressivement, par des actions concrètes et une communication transparente », a répondu le responsable finlandais. « C’est un travail de long terme, mais les bénéfices pour la société dans son ensemble justifient amplement cet investissement. »
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