Il y a des maladies dont on parle trop tard, trop peu, trop mal, ou pas du tout même.
Le Papillomavirus humain (HPV) en fait partie. Ce virus, sournois, banal, presque invisible dans le brouhaha de nos urgences sanitaires, ronge des vies silencieusement. Il ne fait pas de bruit, il n’éclate pas les écrans comme le fit le Covid, il n’enflamme pas les plateaux télé, il ne mobilise ni campagnes massives ni budgets vertigineux. Et pourtant, il tue, il désarme, il désespère.
Chaque année, des milliers de jeunes gens en Afrique comme en Europe sont frappés par les conséquences du HPV : lésions, stérilité, cancer du col de l’utérus, douleurs, honte, peur. Et souvent, tout commence dans le silence — celui du manque d’information, de prévention, de dépistage.
Octobre rose… mais après ?
Oui, Octobre Rose existe.
Ce mois où l’on voit des rubans roses fleurir sur les vêtements, sur les affiches, sur les visages. Ce mois où l’on parle — enfin — du cancer du sein, de la prévention, de la dignité des malades. C’est beau. C’est nécessaire.
Mais le reste de l’année ?
Où sont les campagnes pour le papillomavirus ? Où sont les débats sur la vaccination préventive ? Où sont les émissions qui expliquent, les médecins qui rassurent, les pouvoirs publics qui s’engagent ?
Parce que le HPV ne dort pas en novembre. Il ne prend pas de vacances en janvier.
Il continue de détruire des vies, de s’installer dans des corps ignorants, souvent pauvres, souvent jeunes.
Regards croisés : entre la France et le Sénégal
Entre mes deux rives, je mesure les inégalités criantes.
En France, on vaccine dès 11 ans, on dépiste, on informe. Les adolescentes reçoivent des brochures, les familles sont alertées, la prévention devient réflexe.
En Afrique, dans nos pays, dans nos villages, dans nos quartiers même, la réalité est toute autre : le tabou, la pudeur, la peur du “mal féminin”.
On tait ce qu’on ne comprend pas. On cache ce qu’on croit honteux.
Et pendant ce temps, des jeunes meurent d’une maladie prévisible et évitable.
Le papillomavirus est un tueur silencieux, mais aussi un révélateur social. Il expose les failles de nos systèmes de santé, le désintérêt de nos politiques pour la santé féminine, la frilosité de nos médias à parler du corps des femmes autrement que sous l’angle du glamour ou du scandale.
Un plaidoyer pour les corps, les voix, et la dignité
Il faut dire les choses.
Le corps féminin n’est pas qu’un symbole. C’est un territoire de santé publique.
Et ce territoire mérite protection, éducation, prévention.
Les jeunes filles doivent savoir qu’un simple vaccin peut sauver leur avenir.
Les mères doivent être accompagnées pour comprendre, prévenir, dépister.
Les médias doivent assumer leur rôle d’éducation populaire.
Et les pouvoirs publics doivent agir — non pas une fois par an, mais chaque jour, dans chaque dispensaire, chaque école, chaque quartier.
L’espoir et la responsabilité
Ce que je retiens de mes “regards croisés”, c’est qu’entre le Nord et le Sud, l’espoir existe. Des associations locales s’engagent. Des femmes se lèvent. Des médecins militent. Mais il faut plus qu’un mois rose
Il faut une année multicolore, dédiée à toutes les luttes féminines.
Une année où la santé des femmes devient cause nationale et universelle.
Parce qu’une société qui laisse ses femmes tomber malades en silence est une société malade d’indifférence.
Alors, en ce mois d’octobre, je ne veux pas seulement voir du rose.
Je veux voir du rouge de courage, du blanc de dignité, du bleu d’espérance.
Je veux entendre les voix des femmes dire : “Mon corps mérite qu’on s’en occupe, qu’on le soigne, qu’on le respecte.”
Et je veux que chaque fille, chaque mère, chaque sœur, chaque compagne, sache que le papillomavirus n’est pas une fatalité, mais un combat que nous pouvons gagner — si nous le menons ensemble, sans honte, sans tabou, et sans relâche.
Marie Barboza MENDY– Regards croisés d’une Franco-Sénégalaise
mendymarie.b@gmail.com
TEL. 78 291 83 25
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