Décision du Conseil Constitutionnel et Réaction de l’honorable député Amadou BA sur la modification du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale
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 Je salue la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 24 juillet 2025 sur le nouveau Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Elle réaffirme de manière claire et solennelle les principes structurants de notre État de droit : la primauté de la Constitution, l’indépendance de la justice, et la séparation des pouvoirs.
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J’ai lu avec attention la déclaration du député Amadou Ba, Vice-président de l’Assemblée nationale, qui affirme que seuls trois alinéas ont été censurés sur près de 140 articles et qu’il n’y aurait pas eu de volonté de porter atteinte à la magistrature. Il salue la productivité législative de l’Assemblée et voit, dans ces censures, la preuve de l’attachement à l’État de droit. Ce raisonnement mérite une mise au point.
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D’abord, rappelons que le Conseil constitutionnel n’a fait qu’exercer les compétences que lui confère la Constitution. En vertu de l’article 74, il est obligatoirement saisi des lois organiques pour un contrôle de constitutionnalité a priori, avant leur promulgation. Il ne va donc ni au-delà de ses prérogatives, ni en dehors de son rôle : il veille à la conformité des lois à la norme suprême.
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Ensuite, le Conseil n’a pas censuré une intention, mais des dispositions juridiquement inconstitutionnelles. Il a notamment précisé que la comparution d’un magistrat devant une commission d’enquête parlementaire ne peut être ni automatique, ni forcée, et doit respecter les exigences de confidentialité et de séparation des pouvoirs. Cette réserve est conforme non seulement à la Constitution, mais aussi à la loi organique n°2017-10 portant statut des magistrats, qui encadre strictement leurs rapports avec les autres pouvoirs.
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Sur la radiation d’un député, le Conseil a rejeté une tentative de restreindre l’article 60 de la Constitution en la conditionnant à la perte des droits civiques. La Constitution ne prévoit pas cette condition : le Parlement ne peut l’y insérer par simple volonté politique.
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Il est d’autant plus étonnant de voir l’honorable député Amadou Ba adopter, une fois de plus, une posture de défenseur héroïque de Pastef et de la majorité, avec une forme de condescendance intellectuelle, comme si le Conseil constitutionnel avait manqué de hauteur d’analyse. Cette posture devient d’autant plus problématique que les dispositions censurées trouvent souvent leur origine dans des formulations juridiques qu’il a lui-même proposées ou cosignées.
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On ne peut être à la fois l’auteur des entorses à la Constitution et le donneur de leçons. Refuser d’assumer la portée des censures, tout en invoquant l’État de droit à géométrie variable, trahit un déficit de culture constitutionnelle. Il serait plus utile à la République que le député Amadou Ba consacre davantage son énergie à consolider la sécurité juridique des textes, dans le respect des normes supérieures, plutôt qu’à chercher une légitimité politique post-censure.
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La réalité, c’est que le Parlement a besoin de rigueur, d’expertise juridique et d’humilité devant la Constitution. Vouloir tout faire voter rapidement, sans maîtriser les contraintes constitutionnelles, ne saurait devenir un argument de mérite.
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J’appelle à une réhabilitation de l’intelligence législative, au service du peuple et du droit, pour garantir que plus jamais les fondements de notre République ne soient ainsi malmenés par ignorance ou précipitation.
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Oui, l’Assemblée nationale peut et doit exercer pleinement son pouvoir de contrôle. Oui, les magistrats doivent rendre des comptes au peuple, comme tout autre pouvoir. Mais cela ne peut se faire qu’en respectant les balises constitutionnelles et les garanties statutaires, sans confondre contrôle et intimidation, ni responsabilité politique et indépendance juridictionnelle.
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Nous invitons donc les parlementaires à ne pas relativiser cette décision. Elle ne constitue ni un revers politique, ni une victoire empêchée. Elle est un rappel à l’ordre juridique. Et c’est bien là le rôle du Conseil constitutionnel.
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Seydina Mouhamadou Malal DIALLO
Juriste / Secrétaire Général du Collectif Noo Lank
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