En effet, une récente enquête nationale de référence sur les violences faites aux femmes effectuées par l’ANSD en novembre 2024, a révélé qu’au « Sénégal, près de 3 femmes sur 10 (31,9 %) ont été victimes d’au moins une forme de violence (physique, psychologique, sexuelle ou économique) au cours des 12 derniers mois. La prévalence grimpe en milieu urbain (36,9 %). » Ces chiffres, corroborés par une analyse du Consortium ROAJELF, mettent en lumière, la forte proportion de violences sexuelles et conjugales, « le rôle prédominant des hommes comme auteurs (99,1 % des violences sexuelles hors union), l’insuffisance des structures de prise en charge et le manque criant d’un dispositif holistique adapté aux besoins des survivantes (soin, juridique, psychologique, réinsertion) ».
Si l’État du Sénégal a récemment construit un Centre national et inauguré des Centres d’Accueil Uniques (CAU) à Kaffrine, Fatick et Kaolack, les organisations privées et associatives, en première ligne, souffrent d’un financement limité qui fragilise leur capacité opérationnelle et la pérennisation de l’aide. Le parcours des survivantes pour accéder à des soins complets reste semé d’embûches. C’est dans cette optique que le ROAJELF SÉNÉGAL a organisé un Dialogue multi-Acteurs de deux jours (30 et 31 octobre) à Dakar. L’objectif général est de jeter les bases d’un mécanisme de gestion transparent et durable pour ce futur Fonds national.
Sous le haut patronage du ministère de la Famille, de l’Action Sociale et des Solidarités, l’événement a réuni un large éventail de parties prenantes, notamment, les ministères clés : (Finances, Justice, Santé, Intérieur, etc.), les Partenaires Techniques et Financiers (ONU FEMMES, UNICEF, UNFPA, Banque Mondiale, AICS), les professionnels (Ordre des Avocats, Psychologues, Médecins) et les structures d’accueil et de la société civile (Maison Rose, Kayam, AJS, etc…).
Prenant la parole, Mme Ramatoulaye Mballo, Coordonnatrice du Réseau Ouest Africain des Jeunes Femmes Leaders-Sénégal (ROAJELF SÉNÉGAL) a prononcé un discours vibrant, définissant l’initiative comme une étape « charnière » et un « symbole d’un engagement national » contre l’indifférence.
Dès le début de son allocution, elle a souligné l’urgence d’une réponse financière durable. Forte de son expérience de terrain aux côtés des victimes, l’organisation a mis en évidence l’insuffisance des aides partielles ou ponctuelles. « La prise en charge des victimes ne peut être ni partielle, ni ponctuelle. Elle doit être holistique, c’est-à-dire globale, intégrant la santé, le soutien psychologique, l’assistance juridique, la protection sociale et l’appui à la réinsertion économique, » a-t-elle déclaré.
C’est cette conviction, alimentée par des « récits douloureux mais emprunts de courage », qui a guidé le plaidoyer pour la création d’un Fonds national (FN) qui doit incarner la solidarité nationale. L’objectif est de garantir à chaque survivante, « quelle que soit leur origine, leurs conditions ou leur lieu de résidence, » un accompagnement digne et complet.
Le dialogue multi-acteurs, qui réunit des ministères sectoriels, des Partenaires Techniques et Financiers dont l’African Women Development Fund (AWDF,) et la société civile, est perçu comme l’occasion de franchir une étape essentielle définir la gestion du Fonds.
Les échanges de ces deux jours doivent aboutir à l’établissement de « principes directeurs pour le fonctionnement du Fonds, Critères de financement et procédures d’accès, Un dispositif de redevabilité rigoureux ». Selon le ROAJELF, ces discussions techniques sont fondamentales car elles « poseront les bases d’un outil opérationnel crédible et équitable au service exclusif des victimes ».
L’organisation a souligné que la lutte contre les VBG exigeait une « mobilisation collective et coordonnée » impliquant tous les niveaux, « État, collectivités territoriales, société civile, communautés et secteur privé ».
Une profonde reconnaissance a été exprimée à l’endroit du ministère de la Famille et de la Direction de l’Équité et de l’Égalité du Genre pour leur « leadership » et leur « franche collaboration » dans ce processus de plaidoyer. Un hommage particulier a été rendu aux structures d’accueil et de prise en charge, « par leur travail au quotidien sur le terrain donnent une voix, une visibilité et une dignité à tout ce que la violence a tenté de réduire au silence. »
Le ROAJELF a conclu en insistant sur la portée transformative du futur mécanisme financier. « Ce fonds que nous sommes en train de bâtir ensemble doit être plus qu’un simple instrument financier, il doit être un véritable outil de transformation sociale, un levier de justice, de résilience et de réparation, » a été le message final.
L’organisation a lancé un appel aux participants pour des échanges « francs, constructifs et orientés vers l’action », en gardant à l’esprit que derrière chaque décision, il y a « des femmes et des enfants qui attendent de nous une réponse concrète, rapide et juste. » Le ROAJELF a réaffirmé son engagement à assurer que le Fonds soit une « réussite technique et administrative, mais surtout un instrument d’espoir et d’éternité » pour les victimes.
le ministère de la Famille, de l’Action Sociale et des Solidarités a, dans le message lu par Mme Ndeye Astou Gueye, directrice de l’Égalité des Genres, réaffirmé son engagement, soulignant que ce dialogue, conjoint avec le ROAJELF, reflète une « « volonté politique forte et une mobilisation citoyenne » pour l’éradication des VBG ».
L’allocution a débuté par un hommage aux victimes des violences récentes, soulignant l’impératif de ne jamais rester « insensible à la violence ». La directrice a ensuite salué la société civile, rendant un hommage particulier à la militante Mme Diallo, pour son action constante au chevet des victimes.
Mme Gueye a insisté sur la nouvelle dynamique de « co-construction » entre les institutions publiques et les organisations de la société civile. Elle a rappelé que cette approche était un principe de longue date dans la politique de l’État. « Nul n’a le monopole de la solution. C’est l’ensemble des réponses, l’ensemble des solutions qui formuleront la réponse », a -t-elle souligné.
Selon elle « l’objectif de ce dialogue s’inscrit pleinement dans les priorités stratégiques du gouvernement, notamment la Stratégie Nationale de Développement 2025-2029, visant le renforcement des droits des femmes et des enfants ».
Par ailleurs, l’activité s’inscrit dans un contexte africain mobilisé, marqué par l’adoption par l’Union Africaine (février 2025) d’une convention visant à mettre fin aux violences faites aux filles. Représentant le Sénégal à un récent panel à Banjul (octobre 2025), la Direction a confirmé que si le Sénégal était « dans la bonne voie, il reste beaucoup d’efforts à concentrer ».
Le message ministériel a rappelé les progrès « considérables » déjà réalisés en faveur de la protection des femmes et des filles, notamment depuis la loi de 2005 criminalisant le viol et la pédophilie.
Il s’agit de la construction d’un centre d’accueil national (CAU) en phase d’achèvement et l’inauguration de trois centres régionaux (Kaolack, Kaffrine, Fatick), mise en place de la Ligne 702 (Ligne sans cesse) pour le signalement, et déploiement de commissariats et d’unités anti-disciplinaires, lancement des projets SWEDD+ et IWAO (financement Banque Mondiale) qui prévoient la cartographie et l’équipement d’au moins 11 centres publics et privés sur cinq ans, une ligne du Fonds d’assistance nationale est déjà positionnée pour le dernier trimestre 2025 ».
Le Fonds national d’appui est présenté comme un dispositif essentiel et multisectoriel. La Directrice a insisté sur le fait que « le financement est crucial, mais que le renforcement des mécanismes de réponse est primordial pour garantir une assistance « immédiate, constante, permanente ».
Selon elle, l’atelier est une tribune pour « bâtir ensemble un instrument solide et durable ». Ce dispositif est perçu comme un « levier de transformation sociale » qui permettra d’assurer une « transparence et une gouvernance inclusive » de la prise en charge, garantissant que « chaque ressource mobilisée parvienne aux ayants droit. » « Nous avons estimé que ce sont les acteurs de l’écosystème de la réponse à la violence basée sur le genre qui doivent aujourd’hui identifier et décliner les règles de gestion du Fonds, parce que chaque acteur de cette chaîne détient une solution. »
En conclusion, au nom de la ministre, Mme Gueye a déclaré ouvert l’atelier de dialogue multi-acteurs, réaffirmant l’engagement du département à accompagner toutes les initiatives visant à construire un système de protection inclusif et équitable pour les victimes.
L’atelier devrait aboutir à la mise en place d’un groupe de travail consultatif chargé « d’accompagner la concrétisation de ce Fonds, considéré comme la clé de voûte pour garantir une prise en charge holistique, accessible et durable pour toutes les victimes de VBG au Sénégal ».
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