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 Sécurité : cessation des hostilités et engagements contre les groupes armés
Selon des documents consultés par RFI et des sources proches de la médiation, le projet d’accord prévoit d’abord une cessation des hostilités entre les deux armées nationales. Kinshasa et Kigali s’engageraient à ne plus commettre d’agressions, qu’elles soient directes ou indirectes, et à résoudre leurs différends par des voies pacifiques.
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Le texte aborde ensuite la question des groupes armés, en particulier les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et l’AFC/M23. Les deux pays s’engagent à ne plus leur apporter aucun soutien.
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Pour encadrer l’application de ces engagements, les parties se réfèrent au « concept d’opérations » défini à Luanda en octobre 2024. Ce document prévoit la localisation, l’identification et la neutralisation des combattants des FDLR, avec deux options : un rapatriement volontaire vers le Rwanda, ou des opérations conjointes de désarmement menées par les forces congolaises et rwandaises.
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Concernant l’AFC/M23, le processus est distinct. Ce groupe bénéficie déjà d’un dialogue politique direct avec Kinshasa, conduit au Qatar, à Doha. Les décisions prises à Washington devront donc être complétées par un accord séparé entre la RDC et l’AFC/M23.
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Enfin, un mécanisme conjoint de suivi est prévu pour veiller à la bonne application du texte. Il inclura des représentants de la RDC, du Rwanda et de la médiation.
Économie : coopérations bilatérales, intégration régionale et intérêts américains
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Sur le plan économique, l’accord repose sur une architecture à trois niveaux, selon nos informations.
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Premièrement, un cadre bilatéral. Kinshasa et Kigali souhaitent renforcer leur coopération sur des priorités jugées stratégiques : gestion des parcs nationaux, développement de l’hydroélectricité, sécurisation des chaînes d’approvisionnement en minerais. L’objectif est de créer des chaînes de valeur intégrées et transparentes, « de la mine au métal transformé », selon les termes employés par les équipes de facilitation.
Deuxièmement, une dimension régionale. Les deux pays projettent de s’appuyer sur des structures déjà existantes comme la CIRGL, le COMESA ou encore la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) pour avancer vers une intégration économique progressive. Il s’agit de stimuler le commerce, attirer les investissements et surtout « casser les circuits de contrebande ».
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Des mécanismes d’audit indépendants devraient également être mis en place pour contrôler les filières minières, les projets d’infrastructures et les accords économiques, avec une vigilance accrue sur la transparence et la lutte contre la corruption.
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Troisièmement, le rôle des États-Unis. Washington souhaite impliquer ses investisseurs, notamment dans le secteur minier, mais aussi dans d’autres domaines. Cette implication ne se limite pas aux provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu : d’autres régions du pays sont également concernées.
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Félix Tshisekedi : « Cette paix pourrait devenir réalité »
Dans une interview accordée cette semaine à la journaliste américaine Hariana Verás, le président congolais Félix Tshisekedi a salué l’implication personnelle de l’administration Trump. « Il n’y a rien de magique dans cet accord », a-t-il affirmé. « Il s’agit d’une prise de conscience au sein de l’administration américaine sur un conflit qui dure depuis environ 30 ans et qui a fait des millions de victimes. »
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Le chef de l’État congolais insiste sur la double nature du conflit. « Il s’agit d’abord de mettre fin à la guerre, d’obtenir le retrait inconditionnel des groupes armés. Mais au-delà de cela, il faut aussi résoudre cette guerre qui est fondamentalement une guerre économique. »
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Il rappelle qu’à son arrivée au pouvoir, en 2019, il avait proposé une coopération économique aux pays voisins pour éviter les tensions. Si les relations se sont améliorées avec l’Ouganda et le Burundi, il accuse Kigali d’avoir « lancé une guerre contre nous » en 2022.
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Félix Tshisekedi reconnaît l’implication personnelle de Donald Trump : « Il s’est personnellement impliqué dans cette affaire, et nous lui en sommes reconnaissants. » Il cite la désignation du Dr Massad Boulos comme chef de mission, le soutien du Qatar et celui du président en exercice de l’Union africaine, Azali Assoumani.
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Analyses : entre prudence et espoirs
Certains observateurs se montrent prudents. Pour le professeur Tshibangu Kalala, spécialiste en droit international, le principal obstacle reste Kigali. « Le Rwanda ne respecte pas sa propre signature », affirme-t-il, rappelant que des engagements similaires avaient été pris à Kigali en octobre 2004 sous médiation américaine. « Aujourd’hui, le Rwanda fait exactement le contraire de ses engagements de 2004 », constate-t-il, en appelant à la vigilance quant à la mise en œuvre.
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 Le politologue Christian Moleka, lui, insiste sur la nouveauté de l’approche américaine : « Ce qui est différent ici, c’est la capacité des États-Unis à imposer une table ronde. Ni Luanda ni Nairobi n’avaient réussi à réunir Kagame et Tshisekedi. »
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 Il souligne également la force du levier économique américain : « Les États-Unis veulent sécuriser leurs approvisionnements en matières critiques. Cet intérêt stratégique donne du poids à leur diplomatie. »
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