Le ministère des Finances et du Budget a bien fait de réagir à la décision de l’agence de notation Moody’s qui a abaissé la note souveraine du Sénégal de B3 à Caa1 tout en maintenant une perspective négative.
Une telle décision fragilise l’image du pays auprès des investisseurs internationaux et alimente la méfiance des partenaires financiers.
La bataille de la communication est donc engagée pour préserver la crédibilité du Sénégal dans le concert des nations capables d’honorer leurs engagements. C’est bien. C’est même nécessaire.
Cependant, il y avait mieux. Il fallait prévenir la dégradation au lieu de la commenter.
Depuis plusieurs mois, les signaux d’alerte se sont accumulés. Retards de décaissement du FMI, révisions à la baisse de la note souveraine par S&P et Moody’s, tensions persistantes sur la trésorerie nationale…
Les faits parlent d’eux-mêmes sans compter la dégradation de la situation macroéconomique avec le ratio dette/PIB qui dépasse 118 %.
En agitant la polémique sur la dette dite cachée, le régime actuel a cru accuser ses prédécesseurs. En réalité, il a exposé le pays.
En évoquant publiquement des montants d’endettement non consolidés sans fournir de données précises, sans rendre public l’audit externe, le gouvernement a ouvert la voie au doute et à la suspicion.
Ces maladresses répétées ont installé l’idée d’un État en perte de maîtrise de ses propres comptes.
Moody’s, S&P et le FMI n’ont pas sanctionné un régime particulier. Ils ont simplement traduit dans leur langage ce que le pays tout entier ressent. Un déficit de clarté, d’anticipation et de rigueur.
Quand un État se déclare être endetté au-delà de ses propres estimations, qu’il publie ses rapports budgétaires en retard et qu’il navigue à vue dans ses prévisions, il ne faut pas s’étonner que la confiance internationale s’effrite. Le crédit d’un pays ne repose pas sur ses discours mais sur la crédibilité de ses chiffres.
Les conséquences de ces notations sont bien réelles. Elles renchérissent le coût de l’emprunt sur les marchés internationaux, réduisent la marge de manœuvre budgétaire et compliquent les négociations avec les institutions multilatérales.
Chaque point perdu dans la notation souveraine représente des milliards de francs CFA supplémentaires en charges d’intérêts.
Le Sénégal doit se ressaisir et renouer avec la discipline budgétaire, la prévisibilité et la transparence. Il est urgent de publier les rapports d’exécution à temps, de rendre public l’audit complet de la dette et d’engager une communication économique fondée sur des données vérifiables plutôt que sur des slogans.
La diplomatie économique ne se mène pas dans l’émotion mais dans la constance. L’État doit inspirer confiance avant de la réclamer.
Le Sénégal ne restaurera pas sa crédibilité en contestant Moody’s, S&P ou le FMI mais en démontrant par les faits qu’il sait gérer, planifier et rendre compte.
La confiance des marchés, comme celle des peuples, se perd plus vite qu’elle ne se reconquiert.
Les tenants du régime actuel doivent désormais parler le langage des chiffres non celui des justifications.
En voulant accuser, ils ont exposé le pays.
Thierno Bocoum
Président du parti AGIR- Les Leaders
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