Publié le 5 mai 2025
Lecture : 3 minutes.
Fichier généré le
Si l’intelligence artificielle (IA) a intégré la vie de l’internaute lambda depuis des années, notamment depuis l’apparition de moteurs de recherche capables d’associer, en une demi-seconde, des centaines de liens à trois ou quatre mots-clés, le monde a pris comme une gifle l’apparition de ChatGPT et autres générateurs de contenus « créatifs » à une vitesse supersonique. Au-delà de la capacité de ces « agents conversationnels » à rédiger des lettres administratives qui font gagner du temps, la production de contenus audiovisuels nourrit le culte de certains régimes parmi les plus friands de propagande.
Ainsi sont apparues les vraies-fausses chansons « à la gloire de ». En décembre dernier, à son insu ou pas, c’est le capitaine Ibrahim Traoré qui faisait l’objet d’une « prodada » attribuée à un mystérieux chanteur américain de country. Depuis, le caractère anonyme de l’artiste étant un handicap pour le buzz, la capacité de l’intelligence artificielle à imiter les voix des personnalités a été mise à profit. Ainsi a-t-on vu fleurir les titres « Victory » d’un avatar de Gims, « God Protect Ibrahim Traoré » d’une simili-Beyoncé, et même un prétendu duo entre Drake et Shakira : « Tribute to Burkina Faso & Captain Ibrahim Traoré officiel 2025 ».
Quasi-Obama et simili-François
Un certain nombre de chaînes YouTube créées vers la fin de l’année dernière semblent s’être spécialisées dans ce créneau, comme FAFA 24, Lil R3Vi ou Ai Starrz. Le plus troublant est la crédulité apparente de certains internautes. Sous le clip « Rihanna chante pour Burkina Faso » diffusé sur YouTube et pourtant estampillé « IA » dans un coin de l’image, des commentaires remercient la « brave fille d’Afrique et d’Amérique » pour un « hommage bien mérité à notre capitaine Ibrahim Traoré ». L’IA ayant inauguré le règne du trompe-l’œil, difficile de savoir si ces posts ne sont pas eux-mêmes rédigés par des manipulateurs.
Fort heureusement, certains assument de miser sur le second degré humoristique pour « ambiancer » les partisans du chef de l’État burkinabè, comme le promoteur du titre « Macron chante Ibrahim Traoré mon roi ». À côté des œuvres musicales en conserve, fleurissent des histoires qui prennent des airs de fables. Des voix robotisées truffées de fautes de prononciation y racontent que l’ancien président américain Barack Obama aurait fait, par visio, une demande à Ibrahim Traoré et que la réponse du capitaine « émouvrait tout le monde », qu’« IB » aurait lui-même capturé – à mains nues et photomontage à l’appui – le « deuxième homme derrière le coup d’État ».
Le Burkinabè, qui semble jouir du don d’ubiquité, aurait aussi sauvé « une femme noire âgée » d’une humiliation en agence bancaire et le pape François aurait même envoyé, in extremis avant son décès, une lettre quasi testamentaire au nouveau héros. Certaines de ces histoires semblent des copiés-collés précipités d’autres textes pas toujours très adaptés. Sur la page « Revivez l’Histoire », la version longue de l’épisode de la lettre papale évoque le décès du chef de l’État burkinabè à l’âge de 36 ans – alors qu’il a déjà 37 ans –, ce qui n’est pas censé être du goût des aficionados de la révolution populaire et progressiste.
Après le buzz pionnier autour d’IB, les magiciens de l’IA n’ont pas manqué de déployer leur griotisme vers d’autres contrées. Et voilà de présumés Gims, Rihanna et Aya Nakamura qui célèbrent virtuellement le Nigérien Abdourahamane Tiani ou le Malien Assimi Goïta. De quoi semer le trouble sur d’autres titres plus anciens qui semblaient davantage homologués, comme la chanson d’Aïcha Koné sur le chef de l’État malien. En outre, un outil artificiel qui profite à un camp finit par servir l’autre. Sur WhatsApp, circulent des montages qui titillent le virilisme démonstratif d’Ibrahim Traoré…
Lire l’article original ici.