Ce phénomène devient particulièrement visible lorsque le parquet choisit délibérément de saisir un juge d’instruction, au lieu de renvoyer directement une affaire devant le tribunal des flagrants délits. Ce choix procédural, apparemment légal, peut masquer en réalité, un détournement de finalité de l’action publique.
I. La saisine stratégique du juge d’instruction par le Parquet : un usage dévoyé du pouvoir de poursuite
En droit sénégalais, comme dans d’autres systèmes de tradition civiliste, le parquet dispose d’un pouvoir d’appréciation pour décider de la manière dont il entend exercer l’action publique. Il peut saisir le juge d’instruction, lorsqu’il estime que les faits sont complexes, graves ou nécessitent des investigations approfondies. À l’inverse, les affaires plus simples, et notamment celles révélées en flagrance, peuvent faire l’objet d’une comparution immédiate devant le tribunal correctionnel ou des flagrants délits.
Cependant, lorsque le parquet opte pour l’ouverture d’une information judiciaire dans une affaire manifestement simple, touchant des chroniqueurs, des opposants et des activistes critiques vis-à-vis du régime, la question d’un détournement de procédure se pose. En effet, le juge d’instruction permet, entre autres, le placement en détention provisoire prolongée, ce qui peut devenir un outil de neutralisation politique.
Ce détournement repose sur une pratique juridiquement qualifiable : le détournement de pouvoir. Il consiste à utiliser une compétence légalement attribuée, pour un objectif autre que celui qui la justifie. Ainsi, une procédure d’instruction, normalement dédiée à la recherche de la vérité judiciaire, devient un moyen de répression ciblée.
II. Une atteinte manifeste au principe du procès équitable et aux droits fondamentaux
D’abord , le principe d’égalité des justiciables devant la loi et la justice est compromis. L’usage différencié de la procédure, selon le profil politique ou médiatique d’un prévenu, constitue une rupture d’égalité.
Ensuite , le principe d’impartialité du parquet se trouve affaibli. Le ministère public, censé représenter la société dans son ensemble, devient, de facto, une extension de l’exécutif. Cette perte de neutralité connue de tous, comme baleine sous caillou, viole les standards internationaux, notamment l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui impose une procédure équitable devant des instances impartiales.
Enfin , ces pratiques peuvent déboucher sur une atteinte à la liberté d’expression et à une privation arbitraire de liberté. En maintenant en détention provisoire, un journaliste ou un chroniqueur, non pas pour des raisons judiciaires légitimes, mais pour faire pression ou dissuader toute critique, l’État viole des libertés garanties par la Constitution sénégalaise et par les traités internationaux auxquels il a souscrit.
III. Une réforme du statut du parquet est nécessaire.
Le fond du problème réside dans le lien organique et hiérarchique entre le parquet et le pouvoir exécutif. Ce lien favorise les pressions politiques, surtout dans les affaires sensibles. Plusieurs pays ont déjà opéré des réformes tendant à renforcer l’indépendance fonctionnelle du ministère public.
La garantie procédurale que le choix du mode de saisine (instruction ou flagrant délit) soit motivé, transparent, et susceptible de contrôle juridictionnel, pour mieux respecter les droits de la défense.
La justice pénale ne saurait devenir une arme de dissuasion politique ni l’arbitre du débat politique. Si tel est le cas, il accréditerait la thèse selon laquelle: LA JUSTICE AGIT SOUS LA DICTÉE DE L’EXÉCUTIF. Lorsque le parquet agit en dehors de la logique judiciaire, pour servir des intérêts partisans, la confiance du public dans l’institution judiciaire est irrémédiablement entamée.
Préserver l’état de droit au Sénégal, impose de repenser en profondeur le statut, le rôle et la responsabilité du ministère public. Car dans une démocratie saine, le parquet n’est pas un auxiliaire du pouvoir : il est le garant de l’intérêt général, sans peur ni faveur.
“La justice doit être un outil de stabilité sociale et d’équité, mais pas un instrument pour régler des comptes personnels ou claniques“. »
HONORABLE MOUSSA DIAKHATÉ,
PRÉSIDENT NOUVEL ÉLAN LIBÉRAL-NEL Ngir Sénégal Bi Gën
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