La visite du Président de l’Assemblée nationale populaire du Vietnam dans notre pays, pour peu qu’on aille au-delà de certaines apparences protocolaires, renseigne avec éloquence sur l’agenda de moins en moins caché du régime au pouvoir.
L’hôte du Président El Hadji Malick Ndiaye est certes son homologue, mais il n’est pas son alter ego. Car, pour venir au Sénégal, le Président Trần Thanh Mẫn était accompagné d’une très forte délégation comprenant des ministres et présidents de Conseil populaire.
Les tapis rouges, les fanfares ainsi que ses rencontres avec le Président de la République Bassirou Diomaye Faye et son Premier Ministre Ousmane Sonko avec qui il a chapeauté la signature de plusieurs accords de gouvernement, témoignent que ce séjour relève d’une visite d’État. Du reste, cette confusion entre l’Exécutif et le Législatif s’explique par la nature du régime politique en vigueur à Hanoï.
Des modèles de ce genre semblent fasciner le nouveau pouvoir
Mes convictions sont sans équivoque : après la Chine, le Mali et le Burkina, l’axe diplomatique du Sénégal vers les modèles de révolution populaire se renforce. Il ne reste que la Corée du Nord pour parachever la liste de la tentation.
En effet, le Vietnam est une République socialiste dont le régime politique est défini par sa Constitution dont L’article 4 dispose : « Le Parti communiste du Vietnam est la force qui dirige l’État et la société ».
L’Assemblée nationale populaire est dirigée par Trần Thanh Mẫn qui a été reçu avec fastes au Sénégal.
L’organe qu’il dirige élit le Président de l’État et, sur proposition de celui-ci, le Premier Ministre et les membres du gouvernement issus du Comité central du Parti communiste vietnamien (PCV).
Au Vietnam, le pouvoir est organisé autour d’un système politique à parti unique, le PCV, qui détient le rôle prépondérant dans la direction du pays, l’État étant structuré autour de l’Assemblée nationale, des Conseils populaires et du gouvernement.
Le Vietnam est ainsi dirigé par un quatuor : le Secrétaire général du Parti, le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale et le ministre de l’Intérieur, tous membres du Bureau politique du PCV
Le PCV est l’unique parti politique et son Secrétaire général est considéré comme le dirigeant le plus important du pays.
Outre l’Assemblée Nationale qui contrôle le pouvoir exécutif, les Conseils Populaires sont responsables de la gestion locale.
L’État du Vietnam fonctionne avec le centralisme démocratique et l’unicité du pouvoir. Les décisions sont prises au sommet (le Parti et l’Assemblée nationale) et sont ensuite appliquées à tous les niveaux.
Quels enseignements tirer de tout ce qui précède ?
Après la République populaire de Chine, les tenants du pouvoir actuel, fascinés probablement par les figures de la révolution socialiste anti-impérialiste comme, Ahmed Sékou Touré, Sankara, Lumumba, Mao, Ho Chi Minh, etc. ; inaugurent l’ère d’une diplomatie orientée vers des pays à régime totalitaire où les libertés sont restreintes et la Démocratie pluraliste quasi inexistante. Là où le parti unique se confond avec l’État, les institutions sont contrôlées par une poignée de personnes omnipotentes et inamovibles : les apparatchiks.
Les dernières déclarations du président de Pastef qui font référence à un Parti-État, relayées depuis quelques jours par les principaux responsables de son parti, font craindre des velléités d’un glissement dangereux vers un régime où les intérêts particuliers d’un parti priment sur l’intérêt général.
Il y a un régime de Parti-État lorsqu’un parti politique se confond à l’État. C’est une notion politique souvent associée à des régimes autoritaires, mais aussi dans des systèmes démocratiques mal consolidés.
Le Parti-État est caractérisé par le monopole du pouvoir, la confusion entre parti et institutions, l’instrumentalisation de la justice, de l’administration, de la gendarmerie ou la police qui sont utilisées pour servir les intérêts du parti au pouvoir.
En outre, il est exigé une loyauté envers le parti plutôt qu’envers l’État ou la Nation, aux cadres de l’administration et du secteur parapublic qui sont nommés non pour leur compétence, mais pour leur fidélité au parti. Mamadou Dia, dont le Pastef se réclame de la pensée, n’était-il pas un tenant de la primauté du parti sur l’État ?
C’est donc dire qu’il y a de quoi s’inquiéter. Les régimes politiques comme le Vietnam sont-ils en train d’inspirer les théoriciens de “la transformation systémique” ?
L’évolution de la dissonance idéologique qui s’est manifestée récemment au sommet de l’État et caractérisée par l’antagonisme de deux clans, est à surveiller avec intérêt et beaucoup de vigilance.
Babacar Gaye
Analyste politique
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