C’est une information qui est passée sous silence (volontairement ?). Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye ont eu un non lieu grâce à la loi d’amnistie et ce, depuis le 25 janvier dernier. Une situation loufoque qui prête à rire. En effet, la personne qui a ameuté la jeunesse pour créer ce qu’il convient de nommer les émeutes politique de 2021 a 2024, n’est plus poursuivi. En d’autres termes, rien ne pèse sur lui malgré tout ce qu’il a pu dire.

Depuis son ascension fulgurante sur la scène politique sénégalaise, Ousmane Sonko, leader du parti Pastef et actuel Premier ministre, s’est imposé comme une figure polarisante. Charismatique pour les uns, démagogue pour les autres, il a su capter l’attention d’une jeunesse désabusée par des promesses de rupture avec un système jugé corrompu et élitiste. Cependant, son récent non-lieu, prononcé le 27 janvier 2025 dans le cadre des accusations liées aux violences politiques entre 2021 et 2024, a ravivé les critiques à son encontre, alimentant les soupçons de manipulation judiciaire et d’impunité. Cet article se propose d’explorer les zones d’ombre entourant ce non-lieu, les accusations portées contre Sonko, et les implications de cette décision sur l’État de droit au Sénégal.

Un non-lieu qui tombe « comme par enchantement »

Cette décision, qualifiée par certains observateurs comme étant tombée « comme par enchantement », intervient dans un contexte de forte tension politique et soulève des interrogations sur l’indépendance de la justice sénégalaise. Selon ces mêmes sources, le non-lieu serait basé sur une amnistie adoptée sous l’ancien président Macky Sall, une mesure déjà controversée à l’époque pour son caractère opportuniste.

Ce non-lieu, loin d’apaiser les esprits, a exacerbé les critiques à l’encontre de Sonko. Ses détracteurs, parmi lesquels des figures médiatiques et politiques influentes, pointent du doigt une justice à deux vitesses, où les puissants bénéficieraient d’une immunité de fait. Le fait que Sonko lui-même ait publié l’ordonnance de non-lieu sur les réseaux sociaux, violant ainsi le secret de l’instruction judiciaire, est perçu comme une provocation et une preuve de son mépris pour les institutions qu’il prétend réformer.

Un passé judiciaire trouble

Pour comprendre la portée de ce non-lieu, il est nécessaire de revenir sur le parcours judiciaire d’Ousmane Sonko, marqué par une série d’accusations qui, bien que souvent classées ou abandonnées, ont entaché sa réputation. En 2021, Sonko fut accusé de viol par une employée d’un salon de massage à Dakar, une affaire qui a divisé l’opinion publique. Bien qu’il ait été acquitté de ces charges, il fut condamné à deux ans de prison pour « corruption de la jeunesse », une décision perçue par ses partisans comme une tentative de l’ancien régime de Macky Sall de l’écarter de la course présidentielle de 2024. Cette condamnation, assortie de multiples arrestations et d’un climat de violences politiques, a renforcé son image de martyr auprès de ses soutiens, mais a également alimenté les soupçons sur sa capacité à respecter l’État de droit.

Les accusations liées aux violences politiques entre 2021 et 2024, pour lesquelles le non-lieu a été prononcé, sont particulièrement graves. Selon des rapports, ces affrontements entre forces de l’ordre et manifestants pro-Sonko auraient causé des dizaines de morts et des centaines de blessés. Si Sonko a toujours nié toute responsabilité, ses appels à la résistance et ses discours incendiaires ont été pointés du doigt comme des facteurs ayant exacerbé les tensions. Le non-lieu, en s’appuyant sur une amnistie générale, semble balayer ces accusations sans véritable enquête approfondie, renforçant l’impression que Sonko bénéficie d’un traitement de faveur.

Une rhétorique populiste au service d’une ambition personnelle

Au-delà des questions judiciaires, les critiques à l’encontre d’Ousmane Sonko portent également sur sa posture politique. Depuis son entrée en politique, Sonko s’est positionné comme un champion de la souveraineté nationale et un pourfendeur des élites, promettant de rompre avec des décennies de gouvernance qu’il qualifie de néocoloniale. Cette rhétorique, bien que séduisante pour une jeunesse confrontée au chômage et à la précarité, est souvent qualifiée de populiste par ses adversaires. Sonko n’hésite pas à jouer sur les frustrations sociales, parfois au prix d’une simplification excessive des enjeux économiques et politiques.

Par exemple, sa promesse initiale d’abandonner le franc CFA, relayée en mars 2024, a été rapidement nuancée après avoir suscité des inquiétudes parmi les partenaires régionaux du Sénégal. De même, son annonce de fermer les bases militaires étrangères, principalement françaises, en décembre 2024, a été perçue comme une manœuvre populiste visant à galvaniser son électorat plutôt qu’une stratégie mûrement réfléchie. Ces volte-face, combinées à son incapacité à présenter un programme clair devant le Parlement pendant plusieurs mois, laissent planer le doute sur sa capacité à traduire ses discours en politiques concrètes.

Une justice instrumentalisée ?

Le non-lieu obtenu par Sonko n’est pas un cas isolé dans le contexte sénégalais, où la justice est régulièrement accusée d’être instrumentalisée par le pouvoir en place. Sous Macky Sall, Sonko et ses alliés dénonçaient une « justice aux ordres » visant à neutraliser l’opposition. Ironiquement, aujourd’hui au pouvoir, Sonko semble bénéficier de mécanismes similaires. La rapidité avec laquelle le non-lieu a été prononcé, ainsi que l’absence de transparence sur les motivations de cette décision, alimentent les soupçons d’une justice politisée, cette fois au service du nouveau régime.

Cette situation est d’autant plus préoccupante que Sonko et Faye ont promis une réforme profonde du système judiciaire sénégalais. Or, des actes comme la publication par Sonko de l’ordonnance de non-lieu sur les réseaux sociaux, en violation des règles judiciaires, jettent le discrédit sur leur engagement à renforcer l’État de droit. De plus, la volonté affichée de Sonko de révoquer la loi d’amnistie de Macky Sall, tout en bénéficiant lui-même de ses effets, est perçue comme une contradiction flagrante.

Une menace pour la cohésion nationale ?

Enfin, l’omniprésence d’Ousmane Sonko sur la scène politique sénégalaise, combinée à sa capacité à polariser l’opinion, soulève des inquiétudes quant à la cohésion nationale. Son discours, souvent clivant, risque d’exacerber les tensions dans un pays où la stabilité politique a longtemps été un atout. L’accord signé avec les séparatistes de Casamance en mars 2025, bien qu’applaudie par certains, est vu par d’autres comme une tentative opportuniste de consolider son assise dans sa région natale, au risque de rouvrir des blessures historiques.

De plus, son attitude vis-à-vis des médias et des voix critiques, illustrée par la condamnation en juin 2024 de deux individus pour avoir critiqué sa supposée tolérance envers l’homosexualité, laisse craindre une dérive autoritaire. Ces incidents, bien que mineurs en apparence, traduisent une intolérance croissante face à la dissidence, un trait préoccupant pour un leader qui se présente comme un défenseur des libertés.

Un non-lieu qui fragilise la confiance dans les institutions

Le non-lieu prononcé en faveur d’Ousmane Sonko, loin de clore le chapitre des accusations portées contre lui, a ravivé les critiques sur son intégrité et sur l’état de la justice sénégalaise. En bénéficiant d’une décision perçue comme opaque et politiquement motivée, Sonko risque de renforcer l’impression qu’il est au-dessus des lois, un reproche qu’il adressait jadis à ses adversaires. Alors que le Sénégal aspire à une gouvernance transparente et équitable, ce non-lieu constitue un précédent inquiétant, susceptible d’éroder la confiance des citoyens dans leurs institutions.

Pour Ousmane Sonko, l’enjeu est désormais de prouver que son engagement pour la justice et la réforme n’est pas qu’une façade. Sans un effort sincère pour renforcer l’indépendance judiciaire et répondre aux attentes d’une population avide de changement, il risque de voir son capital politique s’effriter, transformant l’espoir qu’il a suscité en désillusion. Le Sénégal, à la croisée des chemins, mérite mieux qu’un énième épisode de politique spectacle.

Gnigno Faye – Senegal7 

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