À l’heure où l’information circule à la vitesse de la lumière, portée par les réseaux sociaux, les plateformes numériques et les médias, la question de la lutte contre la diffusion de fausses nouvelles s’impose comme un défi majeur pour les États. Le Sénégal n’échappe pas à cette réalité. Pour encadrer ce phénomène, le pays dispose d’un arsenal juridique relativement étoffé, articulé autour de trois principaux instruments législatifs : le Code pénal, le Code de la presse, et la loi sur la cybersécurité et la cybercriminalité.
Le Code pénal (Loi n°65-60 du 21 juillet 1965)
Le Code pénal sénégalais, en son article 255, réprime sévèrement la diffusion de fausses nouvelles. Il dispose que : « Seront punis d’un emprisonnement de un (1) mois à trois (3) ans et d’une amende de 20 000 à 1 500 000 francs, ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article 248, auront sciemment publié, divulgué ou reproduit des nouvelles fausses, de nature à jeter le discrédit sur les institutions publiques, à porter atteinte au moral des populations ou à provoquer des troubles politiques graves. » Sanctions : Prison : 1 mois à 3 ans et une Amende : 20 000 à 1 500 000 FCFA
Le Code de la presse (Loi n°2017-27 du 13 juillet 2017)
Le Code de la presse renforce cette législation en ciblant spécifiquement les médias et les journalistes. Son article 192 est sans équivoque : « Est puni d’un emprisonnement de trois (3) mois à deux (2) ans et d’une amende de 500 000 à 3 000 000 francs, toute publication, diffusion, divulgation ou reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, fabriquées, falsifiées ou mensongères, de nature à troubler la paix publique ou à porter atteinte à la dignité des personnes ou aux institutions. »
Sanctions : Prison : 3 mois à 2 ans et une Amende : 500 000 à 3 000 000 FCFA
La loi sur la cybersécurité et la cybercriminalité (Loi n°2022-20 du 27 octobre 2022)
Face à l’explosion des réseaux sociaux et de la communication numérique, le Sénégal a adopté une législation spécifique : la Loi n°2022-20 relative à la cybersécurité et à la protection des données à caractère personnel, qui comprend un volet sur la cybercriminalité.
L’article 24 de cette loi stipule : « Est puni d’une peine de prison de deux (2) à cinq (5) ans et d’une amende de 10 000 000 à 50 000 000 francs CFA, toute personne qui diffuse, par le biais d’un système informatique ou d’un réseau de communication électronique, une fausse information susceptible de troubler l’ordre public, de porter atteinte à la sécurité publique ou de nuire aux intérêts de l’État ou d’une personne physique ou morale. » Sanctions : Prison : 2 à 5 ans et une Amende : 10 000 000 à 50 000 000 FCFA
Une législation robuste, mais à double tranchant
Sur le plan juridique, il n’existe aucune ambiguïté : le cadre légal sénégalais est solide, cohérent et dissuasif. L’objectif affiché est de protéger l’ordre public, la sécurité nationale et la stabilité sociale face aux risques de manipulation de l’information, de panique ou de déstabilisation.
Cependant, cette batterie de lois soulève de sérieuses interrogations. Les organisations de défense des droits humains, les syndicats de journalistes et la société civile alertent régulièrement sur le risque d’un usage abusif de ces textes, qui peuvent se transformer en instruments de restriction de la liberté d’expression, particulièrement dans les contextes de tension politique ou sociale.
La frontière est parfois mince entre la nécessaire lutte contre la désinformation et la dérive vers la censure ou l’intimidation des voix critiques. Le débat reste ouvert : comment protéger la société contre les fake news sans pour autant bâillonner la presse, les activistes et les citoyens ?
Face à cette réalité, il devient impératif d’engager une réflexion nationale, avec l’ensemble des acteurs concernés : juristes, journalistes, magistrats, société civile, pouvoirs publics et institutions de défense des droits humains.
Il faut œuvrer à une meilleure définition des contours de ces infractions, renforcer les garanties procédurales pour éviter les abus et mettre en place des mécanismes de contrôle indépendants.
La régulation ne doit pas être synonyme de répression. Elle doit au contraire favoriser un environnement informationnel sain, éthique, mais également respectueux des libertés fondamentales, qui restent le socle de toute démocratie.
Le Sénégal, en tant que modèle démocratique souvent cité en Afrique, se doit de relever ce défi avec intelligence, équilibre et responsabilité.
Par Sadio Faty
Journaliste
Dirpub Evidence
PDG Webinfos
Diofaty02@gmail.com
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